Dans les États modernes et modèles que nous essayons de copier, la règle qui permet leur existence est une invention qu’on appelle affectueusement démocratie. Du grec démos, peuple, et kratos, pouvoir, autorité, la démocratie est le régime politique dans lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé par le peuple, principe de souveraineté, sans qu’il y ait de distinctions..., principe d’égalité. En règle générale, les démocraties sont indirectes ou représentatives, le pouvoir s’exerçant par l’intermédiaire de représentants désignés lors d'élections au suffrage. Mais à côté de cette définition classique, il existe d’autres principes et fondements de la démocratie. Notamment, la liberté des individus; la règle de la majorité; la séparation des pouvoirs, (législatif, exécutif et judiciaire); la consultation régulière du peuple (élection et référendum); la pluralité des partis politiques; l’indépendance de la Justice, la liberté d’expression et d’opinion. A l’opposé de cette forme, sinon ce modèle de gouvernance devenu le moindre mal parmi tant de maux, l’on pourrait noter la monarchie (pouvoir aux mains d’un seul homme), l’aristocratie (pouvoir aux mains des meilleurs), l’oligarchie (pouvoir aux mains d’un petit nombre de personnes ou de familles), la théocratie (pouvoir aux mains d’une caste sacerdotale), l’empire, la dictature et toutes les formes de régimes totalitaires qui puissent exister sur la terre des hommes. Les temps passent, et les hommes évoluent. La démocratie telle qu’appréhendée au temps d’Aristote n’est indubitablement pas la même chose en cette période ou plusieurs indicateurs entrent en ligne de compte dans la gestion de la Cité. De la démocratie directe, nous en sommes à nous retrouver à la démocratie indirecte avec les représentants du peuple. Une représentation qui devrait refléter l’aspiration profonde de ce peuple. Bref! Ce n’est pas bien grave; puisque cinq ans après, ces mêmes représentants reviennent avec des paroles mielleuses pour expliquer à ces mêmes peuples la nécessité de soutenir la politique du souverain, sans même prendre le soin de leur expliquer leur rôle de député, et pourquoi ils s’alignent pour prendre des jetons de présence à la fin de chaque session. Pour ce qui est du débat au parlement, souffrons que le peuple n’en sache rien - du moins, en Côte d’Ivoire -! La télévision nationale a d’autres priorités que cela. Les visites d’État, qui monopolisent les temps d’antenne durant des jours, ne sont-elles pas mieux que de parler de la vie de la nation à l’hémicycle monocolore dans la majorité de nos jeunes démocraties en Afrique? Fort heureusement, les réseaux sociaux et le journalisme citoyen sont en train de briser cette caporalisation voulue de l’information et réaffirment progressivement la prééminence des droits fondamentaux du citoyen. Et de plus en plus, le conditionnement de l’information, tel que voulu par ceux qui nous dirigent, a dorénavant mal à faire son petit bonhomme de chemin. Même si les émissions de notre télévision et de notre radio nationale, pour lesquels nous payons des redevances et qui sont censées être des médias de service publique que des médias d’État, censurent des émissions-Club de la presse, Appel à une rédaction - Parlons franchement - sans donner la moindre explication aux Ivoiriens, les réseaux sociaux et les différents forums permettent de pallier, un tant soit peu, cette énième manière cavalière d’informer le peuple. Mais officiellement, le débat qui est l’un des fondements de la démocratie est en train de disparaître dans notre République. Parce qu’avoir une opinion autre que celle qui devrait être selon le bon vouloir du «timonier» ou de ses suiveurs est un crime de lèse-majesté. Alors que tout près de nous, au Sénégal, le débat sur la vie politique par les citoyens est de mise et très dynamique. Ce n’est pas l’hécatombe au sortir de ces débats largement diffusés sur les antennes de la RTS. Un cas édifiant, celui du projet de nouvelle Constitution jalousement gardé par nos autorités et suivi dans cette besogne par certains journalistes qui, bien qu’ayant le document, n’ont pas eu le courage de le publier au risque de se voir coller un procès pour vol ou recel de document. Mais un parti politique assez responsable et citoyen l’a divulgué. Le document n’est plus sous les manteaux, le citoyen lambda peut y avoir accès, s’il le souhaite. A qui était donc destinée cette Constitution qui ne devait pas être connue, même par les députés avant le vendredi dernier? Assurément, à d’autres intérêts que celui du peuple de Côte d’Ivoire. De la démocratie en Côte d’Ivoire? Parlons-en…dans la IIIè République.
FRANCIS TAKY,
L’Humeur de Francis Taky
In L’éléphant déchainé numéro 486